LE PASSÉ OUBLIÉ DE LA MÉDECINE MODERNE
Quand j’étudiais Molière, au collège, il y avait toujours des personnages dans ses pièces qui étaient malades et auxquels on prescrivait des plantes pour soigner la bile ou le sang, et pour rééquilibrer les Humeurs. À cette époque, la médecine abordait le corps humain et ses maladies avec un œil assez différent de la médecine contemporaine, puisqu’elle était basée sur les déséquilibres des Humeurs.
Les Humeurs ? C’était quoi ?
Les Humeurs sont au nombre de quatre pour chaque personne. Elles correspondent aux quatre éléments nécessaires à la vie et produits par l’organisme ; le Sang, la Phlegme, la Bile jaune et la Bile noire. À l’époque de Molière, la médecine considérait comme acquis le fait que le tempérament de chaque personne (sanguin, bileux ou flegmatique), et par conséquent son état de santé, dépendait de la prépondérance de l’un ou l’autre de ces éléments ou de leur équilibre. Ainsi, tout changement dans ces éléments pouvait entraîner un changement dans l’état de santé. On regarde aujourd’hui chez nous cette vision de la santé comme une vieille chose un peu rigolote, mais cette approche ne vous rappelle-t-elle pas celle des médecines orientales ?
Pythagore et Hippocrate, c’est du lourd !
C’est à la faculté de Montpellier que l’on a commencé à enseigner la médecine des Humeurs en France, au XIIIe siècle. À vrai dire, il s’agissait de médecine grecque, une médecine aux racines très anciennes, sans doute née chez les Sumériens, qui s’est transmise aux Égyptiens et dont les fondements ont été jetés par deux Grecs, Pythagore et Hippocrate.
Au XVIIe siècle, les savants arabes, en particulier Avicenne, s’étaient attachés à rassembler tous les principes et remèdes de la médecine grecque et travaillaient ardemment à leur amélioration. Ils documentèrent toute leur science et la baptisèrent médecine Unani, ou Younani, du mot « Ionien », qui veut dire Grec.
La médecine Unani s’est ensuite imposée dans le bassin méditerranéen jusqu’en Espagne et dans le sud de la France. Elle s’est mélangée à celles de Chine et d’Inde mais n’est jamais parvenue à se répandre vers le nord. En Europe, une autre médecine, celle des pharmaciens, allait prendre le pas. La médecine Unani est toujours pratiquée dans la péninsule indo-pakistanaise et au Liban. Les musulmans continuent à l’appeler médecine Unani, les historiens européens préfèrent l’appeler médecine arabe, alors qu’elle est grecque.
Les sept principes fondamentaux de la médecine universelle
Il y a 500 ans, l’ensemble des praticiens de la santé avaient donc fini, sans concertation, par aboutir au même concept, celui des Humeurs, des tempéraments, des éléments… Le principe fondamental de la médecine Unani veut que la personne soit considérée comme un tout, corps et esprit. L’idéal recherché est l’équilibre harmonieux entre les fonctions corporelles et spirituelles. Tout cela ne vous rappelle rien ? La médecine Unani vise à remédier aux déséquilibres. Il ne s’agit donc pas d’empêcher la mort de survenir, mais plutôt de favoriser et d’amplifier les mécanismes de défense de l’organisme.
C’est Avicenne qui a décrit les sept principes fondamentaux de la médecine Unani dans son « Canon de la médecine ».
1.La matière : Quatre éléments constituent le corps humain. Il s’agit de l’air (chaud et humide), de l’eau (froide et humide), du feu (chaud et sec) et de la terre (froide et sèche).
2.Le tempérament : L’interaction des quatre éléments va déterminer le tempérament de l’être humain (sanguin, flegmatique ou bileux).
3.Les humeurs : Ce sont les fluides du corps qui maintiennent l’humidité des organes et nourrissent le corps. Les humeurs sont obtenues par la nourriture et les boissons.
4.Les organes : Les plus importants de l’organisme et sur la santé desquels il faut veiller sont le cerveau, le foie, le cœur, les testicules et les ovaires.
5.L’esprit : C’est le moteur de tout, c’est ce qui nous maintient en vie.
6.Les facultés : Il y en a trois. Celle du métabolisme siège dans le foie et détermine la reproduction des cellules. La faculté psychique siège dans le cerveau. La faculté vitale se trouve dans le cœur, le foie et le cerveau, et son rôle est de maintenir la vie.
7.Les fonctions : Les fonctions des différents organes sont tributaires des températures et des mouvements des fluides et des énergies.
Comment se soigner avec l’Unani
Comment, dès lors, équilibrer son organisme en fonction de son tempérament ?
À l’époque, dans toutes les médecines, l’alimentation jouait un rôle essentiel. Rappelez-vous: « Que ton alimentation soit ton premier médicament », disait Hippocrate. Mais dans le contexte actuel où les sources de l’alimentation sont dominées par l’industrie agro-alimentaire, sans oublier la forte présence des aliments transformés, l’équilibre de l’organisme est de plus en plus difficile à atteindre.
Selon la médecine Unani, les Humeurs sont produites dans le foie par les éléments nutritifs des aliments et des liquides ingérés. Il y a une forte relation entre un fluide du corps et l’humeur qui y est associée, si bien que tout déséquilibre d’une humeur causera également des changements dans la composition et les propriétés du fluide du corps qui s’y rapporte.
Plus que la guérison, la médecine Unani vise surtout à prévenir la maladie et préserver la santé. Un corps est en bonne santé quand les Humeurs sont équilibrées en quantité aussi bien qu’en qualité, et toute altération de cet équilibre entraîne la maladie. La médecine Unani vise à créer un environnement sain dans le corps et à le préparer à combattre la maladie. Un déséquilibre entre tempérament et Humeurs
La thérapie Unani est basée sur le tempérament et les Humeurs. Dans une condition maladive, il y a un déséquilibre entre le tempérament du corps et les Humeurs.
C’est pourquoi les médecins Unani dirigent leurs efforts sur leur correction et leur équilibre. Le médicament utilisé pour le traitement doit posséder un tempérament opposé à celui de l’humeur affectée, jusqu’au retour à la normale du tempérament. C’est en tout cas ce que j’en ai compris, mais c’est sans doute beaucoup plus complexe.
Par exemple, si une maladie est causée par une température trop basse d’un organe, les aliments et médicaments prescrits doivent fournir la chaleur qui rétablira la température idéale de l’organe.
Les remèdes végétaux, minéraux ou animaux utilisés en médecine Unani doivent impérativement être de source naturelle et ne visent qu’à enclencher le rétablissement du malade, et c’est tout.
Des assemblages complexes, comme avec le vin
La production de produits phytothérapeutes Unani peut être apparentée à celle de la fabrication du vin. Comme le vin, la médecine Unani est faite à base de plantes assemblées de façon très précise, avec des recettes connues qui donnent des produits d’une grande variété et d’une rare précision.
Sauf que, des praticiens de la médecine Unani, il n’y en a quasiment pas dans notre pays.
On peut imaginer aisément que les patients ignorent tout de la nature de leur tempérament, sans dire qu’ils n’ont aucune idée non plus de ce que sont les caractéristiques de leur maladie : chaude, froide, sèche ou humide. La plante qui sera efficace pour un patient sanguin ne le sera pas forcément chez le patient mélancolique. C’est pour cela que la médecine Unani n’a que peu de retentissement malgré son histoire prestigieuse. Il est très difficile de se passer d’un praticien.
Il y a bien un laboratoire qui commercialise ce type de produits, tout en admettant avec modestie qu’il est difficile de faire des remèdes à « large spectre » et capables de s’adapter au tempérament de chacun. En France, c’est le laboratoire Botavie qui distribue la médecine Unani. Comment font-ils ? Ils proposent des complexes qui agiront sur plusieurs tempéraments.
Une médecine adaptée à son environnement
La médecine Unani est donc une médecine holistique qui, en outre, s’adapte parfaitement aux différentes zones géographiques, et cela quel que soit le climat ou le type de sol. Il y a toujours une plante qui convient à la médecine Unani en bas de chez vous !
Je m’explique : la médecine Unani a été pratiquée partout dans le monde depuis des siècles, du bassin méditerranéen jusqu’aux steppes glaciales de l’Asie centrale, en passant par les climats d’Inde et de Chine. La thérapie Unani prévoit l’utilisation de plantes alternatives, en fonction des saisons et au gré des climats et des types de sols, et s’adapte à tous les environnements.
Pourquoi n’est-elle pas la médecine dominante chez nous ? Je vous laisse deviner.
Un exemple de médecine Unani
Énormément de gens ont des problèmes gastro-intestinaux. Peut-être en faites-vous partie. Inflammations, flatulences, ballonnement, constipation, spasmes, pour tous ces maux, la médecine Unani préconise de nourrir et tonifier les muqueuses de l’intestin et de l’estomac. Elle proposera une préparation de plusieurs plantes qui vont chacune avoir une action positive sur la sphère gastro-intestinale. Cette préparation inclut :
•de la coriandre : réduit l’aérophagie, les digestions pénibles et les spasmes;
•de l’impératoire ostruthium : facilite l’expulsion des gaz;
•de la Sophora flavescens : antidiarrhéique, réduit les douleurs d’estomac;
•de la petite centaurée : accélère l’assimilation des aliments en augmentant la sécrétion des sucs gastriques, la bile en particulier;
•du carthame : anti-inflammatoire, antibactérien;
•de la cardamome : favorise l’expulsion des gaz et soulage les douleurs de l’estomac;
•de l’althéa : antifongique, antibactérien et anti-ulcères.
Une tradition millénaire qui ne tient qu’à un fil
D’autres préparations existent, ou plutôt subsistent… Elles sont le seul souvenir de la grande médecine grecque qui aurait pu devenir un trésor européen si les guerres de religion ne s’en étaient pas mêlées… La survivance de cette tradition médicale millénaire ne tient plus qu’à un fil.
Portez-vous mieux.
Caroline Morel
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